Je trouve le métissage d’une grande richesse.

Je regarde mes photos de mariage et je trouve ce mélange de couleurs… parfait. Ce mariage, nous l’avons organisé à notre image et dans le respect des coutumes de chacun. Il y avait du planteur fait maison par mon père (donc savamment dosé en rhum agricole, hic !), il y avait des spécialités normandes et de la déco qui rappelait les origines maternelles de Monsieur Nanou, la belle ville d’Oran, de l’autre côté de la Méditerranée.

Pourtant, je me pose aujourd’hui la question de ce que veut dire le métissage. J’ai grandi en Ile de France mais baigné dans la culture antillaise depuis l’enfance. Quand j’ai eu deux ans, nous sommes partis en vacances en Guadeloupe et en revenant, je parlais le créole. Je le comprends toujours et le parle parfaitement, bien qu’aujourd’hui, j’ai peu d’occasion de le faire. Contrairement à d’autres langues, les mots me viennent tout naturellement à la bouche, sans besoin de traduire dans ma tête. Mes origines se ressentent jusque dans ma cuisine où il m’a fallu un réel effort pour m’adapter à mon mari et ne pas pimenter mes plats. J’ai tout de même habitué son palais aux saveurs inédites du colombo et des accras… légèrement pimentés !

Le Haricot, s’il comprend un peu le créole, pour avoir été longtemps gardé par mon père, ne s’y intéresse pas trop. La Guadeloupe pour lui, c’est le lieu de vacances ensoleillé, la mer turquoise mais pour le moment rien de plus. Je sais que mon père souhaiterait que perdure nos traditions familiales, que je continue à faire vivre les vieilles recettes de ma grand-mère. Il s’applique à expliquer au Haricot d’où viennent toutes les traditions et musiques qui lui sont chères : le gwo ka, la biguine, le Chanté Nwel (les chants de Noël antillais), le tissu madras et la signification des « pointes » sur les coiffes*…

Je repense à ma belle-mère, algérienne, me disant à quel point elle était triste que ses deux garçons ne s’intéressent pas plus que ça à leurs origines maghrébine. Elle a grandi dans cette si jolie ville d’Oran, a parlé arabe toute son enfance et cuisine parfois pour nous son fabuleux « boulek » et des gâteaux au miel à haute teneur en calorie.

A l’époque où elle est devenue mère, elle s’était sauvée d’une éducation trop stricte. Elle n’a alors pas ressenti le besoin d’apprendre à ses fils cette langue si chère à son coeur, qu’elle a souhaité oublié un temps.

Le métissage… Le Haricot est donc antillais, un peu italien et ch’ti ! La Fève est antillaise, normande, algérienne.Mes enfants ne seront pas bilingues, mais j’ai envie qu’ils sachent d’où ils viennent. Que mon fils sache que son arrière-arrière grand-mère était une italienne prénommée Rosa. Que ma fille sache que son arrière-grand-père (toujours en vie) est un « hadj », qui a fait le pélerinage à la Mecque, tandis que ma grand-mère Sissi faisait le catéchisme aux enfants de la paroisse de Deshaies, en Guadeloupe.

Cet été, j’ai fait la connaissance de Sidi (ce n’est pas son nom, mais tout le monde l’appelle ainsi), le grand-père de Monsieur Nanou. Il n’a plus toute sa tête, mais a parfois des instants de lucidité. Il nous a accueilli d’un : « Sabah el-kher ! » (matin de bonté – bonjour), m’a servi le thé et m’a demandé si mon Ramadan s’était bien passé. Le tout, en arabe. Et j’ai un peu compris, grâce à mes copines d’enfance qui m’ont appris un peu d’arabe.

Sidi ne m’a pas dit que ma fille était belle, pour ne pas lui porter le mauvais oeil, mais quand je l’ai mise dans ses bras (malgré les mises en garde de tout le monde), il l’a embrassée sur le front en murmurant « Bismillah ». Nous avions tous les larmes aux yeux…

J’ai décidé de recueillir les récits de nos familles, sur leurs enfances en Guadeloupe, en Algérie, en Normandie. Je ne veux pas que mes enfants n’ai de métisse que leur couleur ou leurs yeux. Je veux qu’ils sachent d’où ils viennent.

Maa salama… (va sans crainte, soit « au revoir » en arabe)

Tchimbé raid’ pa moli ! (tiens bon ou littéralement « tiens droit, ne mollis pas »)

Bon week-end.

 

* En photo, une coiffe à trois pointes

1 pointe signifiait « coeur à prendre »

2 pointes « déjà prise… mais la chance peut sourire aux audacieux !)

3 pointes « mariée et heureuse, passée votre chemin !)

4 pointes « femme d’âge mure, dont le coeur est encore jeune et peut accueillir d’autres amants »

 

Aujourd’hui, ces coiffes traditionnelles sont portées pour les fêtes de village et le carnaval (en janvier-février)