Je me suis dit que ça n’existait plus, enfin presque plus, je l’ai vraiment cru à un moment donné. A part chez les vieux, ou chez ceux qui ne sortent jamais le dimanche…qui n’ont jamais vu un noir, ni un arabe, ni un chinois. Et encore, eux, ils ont juste peur de ce qu’ils ne connaissent pas.

J’y ai cru je te jure, lectrice unique.

Bien sûr, j’ai entendu des trucs qui auraient pu me mettre la puce à l’oreille, du style « ils foutent vraiment la merde CEUX-LA » ou encore « ma collègue a pris un jour de congé pour le ramadan, n’importe quoi ! ».

Mais bon, peut-être que je n’ai pas voulu mettre un mot sur ces remarques, ces paroles en l’air.

Et puis il y a eu un week-end à la campagne, chez des amis, que dis-je, presque un bout de ma famille. Une femme que j’aime comme une mère, une fille que j’aime comme une soeur… Une famille de coeur.

Au départ, c’est une discussion anodine en fin de repas, sur la violence au football, puis on dérive lentement sur les fameux PSG-OM et enfin… sur les matchs perdus de l’équipe d’Algérie. Je m’attendais à un discours mesuré, Nanou étant à moitié algérien par sa maman.

– « Non mais tu sais que les Algériens de G*** ont encore foutu le bordel en ville ! Ils feraient mieux de foutre la merde chez eux franchement ! Attends, je ne suis pas raciste, mais bon, c’est toujours eux, y’en a marre ».

Moi : « Ne faites pas l’amalgame, la connerie ou le terrorisme ce n’est pas l’apanage de telle ou telle origine. C’est dangereux comme discours »

– « Mais si c’est GENETIQUE ! » Là, j’ai cru que j’allais vomir, mais vraiment vomir, ou me lever de table et me barrer.

Moi :  » Alors si j’adopte un enfant arabe il sera forcément terroriste ? Même s’il est élevé dans un climat sain et sans guérilla autour de lui ? »

– « Evidemment, je connais quelqu’un qui a adopté une vietnamienne et bien elle s’est suicidée à l’adolescence ! Je te le dis il vaut mieux les laisser chez eux, dans leur univers ! On les accueille, on fait tou et voilà comment on n’est remerciés ! »

J’ai coupé court. J’étouffais en fait. Tout ça me dégoutait, parce que ça a continué crescendo. Il y a eu les noirs après (bah oui, autant que tout le monde y ai droit !), qui s’habille en boubou, le voile etc…

Alors je demande, posément : « Et moi alors ? Je suis noire aussi, pourquoi je ne fous pas la merde ? »

Et THE réponse très intelligente : « Mais tu n’es pas noire enfin, enfin pas une vraie noire ! »

Je te passe la fin de la discussion, ô ma lectrice unique, qui a tourné en eau de boudin.

Je suis écoeurée, écoeurée par ces gens qui crient haut et fort qu’ils ne sont pas racistes mais qui préfèreraient quand même que leur fifille sorte avec un Baptiste plutôt qu’avec un Boubacar.
Bah oui, tu l’as entendu un jour ça non ? « Le petit ami de ma fille s’appelle Amar… mais il n’est pas enfin… c’est un Croate hein, pas un Arabe ! »
Je suis écoeurée qu’on puisse penser que la connerie, ou le terrorisme, ou la violence soit GENETIQUE. Ca me fout la gerbe (je suis grossière, mais c’est volontaire). Il y a des connards PARTOUT.
Je suis écoeurée qu’on ne me considère pas telle que je suis parce que je suis antillaise, ou parce que je « parle bien » (je cite « toi c’est pas pareil, t’es intégrée »).

Je ne suis pas bête, je sais bien que ça marche dans les deux sens. Que mon père a fait la grimace quelques secondes quand il a vu Nanou et sa peau laiteuse.
Je sais que parfois on entend « sales français » dans les cours d’école. Je sais que parfois moi aussi, je fais certains amalgames, ou alors je me sens mal à l’aise dans certains endroits.
Mon père est métisse et il n’a jamais été ni assez noir, ni assez blanc. Alors je sais, ces sujets sont délicats.

Mais est-ce une raison pour perpétuer cette haine ? Est-ce une raison pour faire de la différence un point négatif ?
Je serais fière que mon enfant viennent d’ici, d’Oran, de Guadeloupe, de Normandie.

C’est un peu révolté comme article, un peu convenu aussi, du genre « nous sommes tous frères ». Mais c’est à la hauteur de mon dégout et de ma colère.

En fait ce qui m’effraie le plus, c’est que ce mal me touche d’aussi près. Ce n’est pas la première fois que j’entends ce genre de propos. Parfois dans la famille, auprès d’amis.
Mais ils ne m’intègrent pas dans la case des méchants, parce que je bois du vin, parce que je ne porte pas de voile, parce que je vais à l’église, parce que je fais des blagues de potache, parce que je suis née dans les Hauts de Seine. Et pourtant je n’oublie pas d’où je viens, je prends plaisir à parler créole avec ma famille, à retourner dans l’île où sont nés mes parents. J’aime apprendre à Nanou et à mon fils la culture antillaise, j’aime que ma belle-mère me parle de l’Algérie (un pays magnifique), j’aime aller en Normandie sur les terres de ma belle-famille.

Je ne sais pas quoi penser. Je ne veux pas avoir à tirer un trait sur certaines personnes et pourtant, ça va me rester en travers de la gorge tout ce que j’ai entendu. Ils sont à la limite du racisme, mais ils m’aiment… Y’a comme un malaise non, lectrice unique ?

Allez, lectrice unique, je te laisse, j’ai du taf et puis, l’image parle d’elle-même…

P.S : Promis, mon prochain billet parlera de choses plus gaies. Mais là, j’en avais gros sur la patate depuis un bon bout de temps. Et même Nanou n’arrivait pas à supprimer le malaise que je ressentais…

P.S 2 : En fait, pour te dire la vérité, je n’ai jamais cru que ça n’existait plus. J’ai juste cru que ça ne me toucherait jamais d’aussi près.